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La Propagation du Chaos
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AVALON
A l'occasion de la sortie du magnifique DVD zone 2, La Propagation du Chaos revient sur ce film événement, ce choc visuel, véritable oeuvre d'art graphique et métaphysique qui pourtant est passée inaperçue auprès du grand public. Avalon, un vrai film de nerd !

Avalon (2001)
Réalisateur : Mamoru Oshii
Avec : Malgorzata Foremniak (Ash), Wladyslaw Kowalski (Game Master), Jerzy Gudejko (Murphy), Dariusz Biskupski (Bishop), Bartek Swiderski (Stunner)
Durée : 1h46

Welcome to Avalon
Ash (Malgorzata Foremniak) Le Hind... Mamoru Oshii, révolutionnaire dans l'âme. 

A l'image de la démocratisation du cinéma, les jeux vidéo vivent aujourd'hui leur rencontre avec le grand public (Le boom de la Playstation et du PC ont fait exploser les ventes de jeux vidéo chez les 25-35 ans, tranche inexploitée jusqu'ici). De la même façon, les interrogations, l'incompréhension et les barrières de la censure (de l'ignorance...). s'élèvent face à ce nouveau média qui inquiète. Lorsque nous jouions à 'Space Invaders', un carré tirait des rectangles qui détruisaient dans une gerbe d'étincelle en deux couleurs les méchant triangles... Aujourd'hui, la technologie aidant, le vaisseau virtuel ressemble trait pour trait à un vaisseau, et la mort du méchant paraît bien plus réel aux yeux du père et de la mère qui tout d'un coup s'offusquent, prennent peur. Ceci pour souligner combien la forme est finalement bien plus forte que le fond... et comment les biens-pensants réagissent différemment à deux jeux semblables dans le fond (exterminer les méchants) mais différents dans leur forme (polygones contre 2D en 4 couleurs).

Ce débat assez surréaliste sur les jeux vidéo comme destructeurs de l'intellect de nos chères têtes blondes tend à être remplacé aujourd'hui par un deuxième débat beaucoup plus pertinent (même si souvent détourné), celui de la perception de la réalité. Aujourd'hui, avec l'explosion de jeux en ligne et des cybercafés, véritable lieu de rencontre de cyber-communautés, on assiste à la naissance d'une frange de la société qui passe plus de temps devant son ordinateur ou sa console que dans le monde réel. Cette nouvelle génération ne confond pas monde virtuel et monde réel (comme voudraient nous le faire croire les médias), mais préfère le monde virtuel au monde réel. C'est la base du récit de 'Avalon', le dernier film de Mamoru Oshii.

Pour les uns, Mamoru Oshii est un maître du sommeil, un marchand de sable dont tous les films font office de meilleur somnifère au monde, les autres (et j'en fais partie) pensent tout simplement que Oshii est l'un des génies de cette décennie tant le fond et la forme de ses films tendent à se confondre pour finalement donner du sens. En quelques années, Oshii a révolutionné l'animation japonaise, transformant des 'anime' commerciaux en chefs d'œuvre de contemplation et de questionnement métaphysique (la série des 'Patlabor' et surtout 'Ghost in the Shell'). Révolutionnaire dans l'âme, Oshii n'est jamais rentré dans le moule de l'animation japonaise et avant d'être le réalisateur que nous commençons à connaître, il traversa une période noire où il fut boudé du grand public (c'est d'ailleurs lors d'un chômage technique de 3 années qu'il plongea dans le jeu vidéo et posa pour la première fois les bases d'Avalon). A l'inverse de la profession qui transcende la narration par le dynamisme des plans et du montage, Oshii narre le récit par l'intermédiaire de plans extrêmement longs et de plans fixes proches de planches photographiques (depuis, Hideaki Anno et son 'Evangelion', ont démocratisé ce type de narration dans l'animation japonaise). Les films de Mamoru Oshii sont peu explicites et marqués par l'absence de dialogues explicatifs, les personnages échangeant des paroles uniquement dans le but d'assurer la compréhension du récit pour le spectateur lambda. Le fond du récit est distillé au travers de séquences contemplatives qui requièrent toute notre attention et surtout plusieurs visions avant d'en délivrer tout le sens...

La figure imposée Prises de vues réelles et images de synthèse font merveille Bishop (Dariusz Biskupski) observe Ash 

Ash ne vit que par et pour le jeu "Avalon" (du nom de l'île de légende où le roi Arthur fut ramené à la vie par la fée Morgane) Anciennement "guerrière" dans le clan des "Wizards", celle-ci fait désormais cavalier seul après un incident de partie qui a fait se séparer les membres du clan. Arrivée en Classe A (pas en Mercedes... mais dans un niveau du jeu), Ash apprend la rumeur de l'existence d'un niveau caché, la classe "Special A" d'où l'on ne peut revenir, l'âme restant retenue dans le jeu, le corps croupissant dans un état végétatif. Elle apprend également que son ancien partenaire, Murphy est prisonnier de cette Classe Special A, Ash va alors tout faire pour le retrouver. Derrière cette intrigue simple et linéaire, Oshii tisse la toile du premier film pour nerds : A l'inverse d'un film comme 'Matrix' qui intègre l'univers du jeu vidéo, ses caractéristiques et ses règles pour l'utiliser comme toile de fond d'un récit grand public (mais 'Matrix' est avant tout un film d'action, ne l'oublions pas), Oshii intègre le point de vue du "hardcore gamer" pour dépeindre sans concession cette nouvelle génération qui cherche le bonheur dans l'oubli de la réalité, en y perdant non pas son âme... mais son corps.

Comme pour 'Ghost in the Shell', dont 'Avalon' se rapproche énormément, le récit du dernier Mamoru Oshii conte la quête d'une vérité, la quête d'un paradis perdu (celui de la réunion entre réalité et virtualité ?). A l'image de l'interrogation qui hante le major Kusanagi dans "Ghost in the Shell" (l'âme peut-elle exister sans un corps pour l'accueillir), Ash (version live du major Kusanagi) est une femme solitaire en quête d'une vérité métaphysique (peut-on vivre dans un monde virtuel et être considéré comme "être vivant"?), ces deux interrogations reposant finalement sur les même bases.

Obsédé par la perfection graphique et photographique, Mamoru Oshii nous livre un film à la dimension visuelle unique. Prises de vues traditionnelles, animation et images de synthèse se marient comme nous ne l'avons jamais vu pour aboutir à la vision d'un 'ailleurs' étourdissant, chaque plan composant une oeuvre d'art à part entière (le plan de Bishop posant dans un décor post apocalyptique restera à jamais gravé dans vos mémoires) L'adéquation entre le fond et la forme prend ici toute sa dimension, car Oshii altère le monde réel (prise de vues) en le fusionnant avec un monde virtuel (animation et images de synthèse) pour mieux égarer le spectateur et son personnage principal qui ne sait plus bien à quel monde il appartient. L'égarement, c'est également ce qu'à du ressentir Mamoru Oshii en décidant de tourner son film dans une contrée éloignée (la Pologne) avec une équipe japonaise réduite au strict minimum, dans une langue étrangère qui confère au film un statut irréel et unique (à ce propos, la VF est une abomination) En quelques plans, Oshii abolit toutes les frontières, qu'elles soient géographiques en réalisant un métrage à la fois américain, européen et japonais... ou visuelles en mêlant toutes les techniques d'animation et d'altération d'une image.

La fin d'une réalité... Mamoru aime son actrice (nous aussi!) Le basset artésien normand dans Avalon 

Tout au long de son film, Mamoru Oshii pose progressivement les bases d'une réflexion sur le devenir de l'être humain face aux nouvelles technologies et aux nouvelles possibilités qui s'offrent à lui. Véritable fable "cyber-métaphysique" (je me prend pour Maurice Dantec), prolongement du 'Blade Runner' de Ridley Scott (et donc de 'Ghost in the Shell'), 'Avalon' constitue un sommet dans le cinéma d'anticipation. A ce propos, le dernier quart d'heure du métrage asséne au spectateur un retournement de situation 'visuel' qui l'achève définitivement et lui donne envie de crier au génie lorsqu'il refait surface. A tout cela s'ajoute l'incroyable composition de Kenji Kawai (voir notre encart plus bas) où chaque morceau est le reflet d'une séquence particulière, musique et images ne font plus qu'un et décuplent la puissance narrative du métrage. Pour finir, comme dans ses derniers films, Oshii se garde bien de donner un avis définitif et la fin peu explicite du film laisse, au choix, le spectateur sur sa faim ou avide de développer sa propre réflexion sur le sujet.
'Avalon', Un film traumatisant tout simplement.

"Quand j'étais enfant, mes parents se disputaient régulièrement. Mon père qui était au chômage allait voir beaucoup de films. Quant à ma mère, elle fuyait la maison avec mes frères et sœurs. Comme nous étions rapidement à cours d'argent, nous habitions dans les salles obscures. Je me nourrissais alors de bonbons et je m'extasiais devant les films, en me disant que le cinéma était le refuge des laissés-pour-compte"
Mamoru Oshii

Néo Bàkà Gaijin
19/11/2002
 

LA MUSIQUE DE KENJI KAWAI :
Tout comme Sergio Leone avec Ennio Morricone, David Lynch avec Angelo Badalamenti, Mamoru Oshii a trouvé avec Kenji Kawai son alter ego musical, tant les images de l'un fusionnent avec la musique de l'autre pour donner un tout inoubliable. Les images rappellent la musique, la musique remémore chaque scène du film.

Voici une petite sélection des Bandes Originales des films de Mamoru Oshii, composées par Kenji Kawai.

Patlabor Patlabor (1989) / 38:27 / 17 pistes
Une des premières collaborations entre Mamoru Oshii et Kenji Kawai.
Album aux sonorités pop électroniques (certains titres ont bien mal vieillis) Reste les morceaux acoustiques qui marquent déjà avec beaucoup de force l'auditeur dans leur adéquation avec les images du film de Oshii... troublant.

Extrait piste 7 : titre inconnu (916 ko / MP3)

Ghost in the Shell Ghost in the Shell (1995) / 45:30 / 10 pistes
Attention Chef d'oeuvre !
Qui a déjà vu 'Ghost In The Shell' n'a pas pu oublier la mélodie bercée par des percussions traditionnelles japonaises accompagnant le saisissant générique d'introduction. L'album est une ode à la contemplation, au temps qui passe : un album d'ambiant dans lequel on sombre comme dans un rêve...

Extrait piste 1 : 'Making of Cyborg'
(812 ko / MP3)
 
Avalon Avalon (2001) / 54:10 / 14 pistes
Attention re Chef d'œuvre !
Kenji Kawai est là où on ne l'attendait pas. Certes, on retrouve les pistes lentes et mélodiques propres aux images contemplatives des films de Mamoru Oshii, mais c'est pour mieux nous asséner des titres gothiques aux influences européennes (une orchestration symphonique mêlée a l'opéra) qui vous transportent littéralement dans un autre monde.

Extrait piste 1 : 'Log off' (930 ko / MP3)
WEB LIST

www.avalon-lejeu.com
Site officiel collant parfaitement à l'imagerie de Oshii... du très beau Flash...


www.oshiimamoru.com
Le site officiel de Mamoru Oshii... tout en jap... dommage...


www.fluctuat.net...
Une interview de l'homme aux chiens...
tordante lorsqu'il parle de sa passion pour les chiens, super intéressante pour le reste...

www.kenjikawai.com
Le site officiel de Kenji Kawai, en Japonais, Anglais et Français ! C'est suffisament rare pour le souligner


L'annuaire de liens de la Propagation


GALERIE D'IMAGES
Ash, version live et slave du major Kusanagi
Ash, une réplique en chair et en os du major Kusanagi de 'Ghost in the Shell'
Le boss de fin de niveau : Le Hind !
Le Hind, boss de fin de niveau
Le plus beau plan du monde...
Ce plan + musique de Kenji Kawai = un de mes plus beaux moments de cinéphilie
Ash (Malgorzata Foremniak) en petite tenue...
Une beauté plastique (l'actrice ou le film ?)
Murphy (Jerzy Gudejko) est prisonnier d'Avalon
Murphy est passé de l'autre côté du miroir
Vous avez dit Final Fantasy ?
Le monde irréel d'Avalon
Réel et virtuel enfin réconciliés
Quand les frontières entre réel et virtuel s'estompent
Ghost in the Avalon
"Le Ghost", passage obligé pour accéder à la classe "special A"
Les high scores
Le "Game master".. alors ça donne quoi mes frags ?
Légumes ou être vivants ?
Légumes ou être vivants ?
Mamoru Oshii joue à John Woo
Une image en couleur s'est glissée dans cette galerie, trouvez là...
Le basset artésien normand !
Le basset artésien normand, figure récurrente du cinéma de Mamoru Oshii ;-)
Le Sound Designer s'est particulièrement amusé sur cette séquence...
Une séquence de bouffe qui tourne au porno